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Retrouvez tous les épisodes de la série « L’art en quête de transcendance » ici.
« Ne faire qu’un avec l’univers qui nous entoure – avec les grands rythmes de la vie qui nous a créés – et en être conscient », telle était la condition pour faire du « grand art », décrivait Anna-Eva Bergman en 1949. Ensorcelée par les pierres, les brumes, les minuits ensoleillés de sa Norvège natale, cette peintre n’eut de cesse de chercher la fusion avec les éléments naturels. Son pinceau épousait la tectonique des plaques, chaque toile était immersion panthéiste, désir de renouer avec la sensation d’un « grand tout ».
Une expérience mystique de la nature que nombre d’artistes s’attachent aujourd’hui à perpétuer. Ils ne clament pas, comme les panthéistes d’antan (du grec ancien pan, « tout », et theos, « dieu »), que « tout est Dieu » ni que « Dieu est tout ». Mais ils savent que la nature est cette totalité dont l’humain n’est qu’humble fragment. S’y reconnecter devient exigence existentielle. Les utopistes de Monte Verita, sur les collines suisses d’Ascona, cherchaient au début du XXe siècle à couper avec la civilisation industrielle, à ne faire plus qu’un avec l’air, le soleil, la terre, dansant, peignant, pensant nus.
Dans le sillage de ces précurseurs, il s’agit aujourd’hui d’inventer de nouvelles harmonies entre les règnes, les espèces : être pierre, être plante, être flux de la rivière. Se faire Princesse Mononoké ou Totoro, ces créatures des dessins animés de Miyazaki persuadées que chaque brin d’herbe est une déité à vénérer, qu’en toute pierre vit un esprit. S’emparer de chaque matière, citron, velours, galet, comme d’une parcelle de « vie calme » à magnifier, comme le fait la sculptrice Edith Dekyndt. Ou, à l’instar de Giuseppe Penone, laisser à l’arbre, la pierre, l’eau, sa part de travail, en cocréation.
Grande prêtresse de ces panthéistes nouvelle école, la poétesse et peintre libanaise Etel Adnan (1925-2021). Le Livre de la mer, son tout premier poème, écrit à 19 ans, en 1944, chantait « l’interrelation entre le soleil et la mer comme une sorte d’érotisme cosmique ». Mais la révélation a surtout lieu dans la décennie 1960, ses années californiennes : « Un monde nouveau s’ouvrait, révélation de la nature en tant que force, beauté obsédante, rêverie éveillée. » Par sa fenêtre de Berkeley (Californie), elle aperçoit le mont Tamalpais, terre sacrée des Indiens. C’est « la personne la plus importante » qu’elle ait jamais rencontrée, « il est au centre de mon être », clame celle qui n’a cessé de le peindre et de le chanter, jusqu’à sa mort en 2021.
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